Pensée du jour - Testament
18/04/2013
Non, je ne vais pas faire ici mon testament. Je suis tombé un peu par hasard sur le testament sonore de Jacques Mesrine. Il m'a particulièrement touché et j'ai décidé ici de le retranscrire.
Connu pour sa phrase culte "si tu écoutes cela c'est que je suis dans un prison dont on ne s'évade", le testament sonore de Jacques Mesrine est important.
Il est touchant même et j'ai décidé de le retranscrire ici. Peut-être cela a déjà été fait ailleurs mais je souhaite accéder à cette démarche, de mon côté au moins.
(Musique)
Bonjour mon amour, il est certain que si tu écoute cette cassette ma petite Sylvie d'amour, c'est que je ne suis plus. Simple souvenir de ma voix, simple souvenir de nous deux. Tu te souviens quand nous étions heureux. Bah oui ma puce. Ton mari est mort, abattu par les policiers. Mais ça nous le savions déjà, nous savions que ça pouvait un jour arriver. Et maintenant tu es seule, seule avec ta peine, seule avec ta souffrance.
(Changement de musique)
Une chose mon ange, il faut vivre, tu sais, cette grande peine qui fait mal au cœur et tout qui... tu imagines que tout est fini, tout est terminé pour toi ; bah non. Vis, vis comme je te le disais,vis avec nos souvenirs mais ne t'emprisonne pas dans les souvenirs surtout.
Alors bien sûr cette cassette, je l'ai fait avant, tu étais partie faire les commissions, j'savais pas que c'destin pouvait se terminer comme ça, mais j'me disais qu'un jour ça arriverait. Et je voudrais que tu gardes quelque chose de moi.
Écoute cette musique ; tu t'rappelles ? A l'époque nous l'écoutions, chez nous ; c'était la musique de Midnight Express, et rappelle toi ce film qui nous avait fait tant souffrir par sa vision... d'horreur. C'est peut-être ce qui ma attendu, sous une échelle un p'tit peu plus petite. Mais une fin comme ça, j'pense qu'un homme, préfère la mort sous les balles policières que... que d'crever comme un chien dans un trou de Basse fosse???. Une chose est certaine mon p'tit chat, c'est qu'l'amour qu'tu m'as apporté, ça a été quelque chose de merveilleux, car à 43 ans ou 42 ans plutôt, d'aimer comme j't'ai aimé c'est... c'est impensable. Tu m'as tout amené, toi, tu m'as tout donné, toi... 24 heures par heure, par jour ! T'as été complètement avec moi, ça a été une communion notre amour.
Alors si les larmes te viennent aux yeux, comprends une chose, nous avons vécu ça. Et bien des gens n'ont jamais vécu l'amour.
Ma fin,c'était une chose presque inévitable. On ne peut pas tu sais chérie, quand un homme vit par les armes, la violence et l'vol, c'est très rarement qu'il meurt dans son lit.Puis en fin d'compte la mort est pas plus stupide que si j'étais mort au volant d'une voiture ou... ou à Usinor en travaillant pour un patron. Donc que les flics m'aient assassiner, la question s'n'pose pas, face à un type comme moi, y'a pas tellement d'cadeau à faire, j'en fais pas non plus d'mon côté. Donc, la haine, ça sert à rien d'l'avoir. C'qui faut c'est qu'tu t'souviennes de nous quand , quand tu m'faisais une tapisserie, quand tu m'préparais des p'tits plats ; quand tu t'habillais, et puis que je te r'gardais et j'disais qu'tu étais belle ; quand j'te mettais ton collier, t'rappelles ? Ton beau collier Cartier ; quand on s'émerveillait tous les deux devant des choses qui nous plaisait ; quand on jouait, mettons avec mes merveilleux p'tit chiens, c'est ça la vie.
Alors la mort tu sais en fin de compte, ça n'existe pas. La mort c'est dans l'cœur des hommes, hein, si tu t'souviens plus de quelqu'un, la personne est morte mais toi
tu penses à moi alors à la finale j'pense que j'suis toujours vivant, vivant en toi et pour longtemps. C'est pour ça chérie, j'te l'demande, j'comprends cette souffrance mais ne t'emprisonne pas dans ta souffrance. Revis. Hein, j'te l'demande de toute la force de mon coeur. Et tu sais, qui sais, on s'retrouvera p'têt un jour. Où ? Ah ! En enfer mon ange ! J'y suis bien entre parenthèse ; toi qui a toujours froid, j'peux t'garantir que ... Super ! En plus en enfer on rigole drôlement bien. C'est à dire qu'ya qu'les gars qui y'a que les gars qui s'emmerdaient pas sur Terre qui y sont actuellement. Hein.
Alors, tu sais, j'rigole - j'rigole d'être mort, parce que la mort à la finale, tu sais, c'est rien pour celui qui a su vivre. Hein ?! Ceux qui ont raté leur vie en fin d'compte, ceux sont des morts-vivants. Moi ma vie, heu, bon, criminellement, on peut pas dire qu'une vie est réussie mais sentimentalement, ma vie n'a pas été un échec puisque j't'ai connu. T'rencontrer et aimer.
Tout ces souvenirs fou tu sais bébé.Et l'amour, c'était si bon l'amour ensemble. Ah, on peut dire qu'on s'donnait, hein ? J'ai l'p'tit cul chaud, hein, comme disait ton vévé ??? . C'était beau tout ça, c'était sobre, c'était simple. Y'a pas de complication pas de ... Rien n'était faux, tout était vrai chez nous.
Alors à la finale tu sais mon p'tit chat, oh bien sûr certains personnes pourraient dire, y'a d'autres manières de vivre ; mais j'n'ai plus tellement le choix non plus. Mais à la finale j'ai assumé ma criminalité jusqu'au bout. Et j'considère que , c'est pas si mal que ça. D'aller jusqu'au bout. Et c'est c'qui faut dans la vie. J'aime pas les gens justement qui recule. Trop d'gens r'cule.
(Changement de musique)
Tu sais, simplement de voir la détention en France dans les Quartier de Haute Sécurité quand, quand j'ai vu réellement que on créé ça non pour emprisonner l'homme mais pour l'détruire totalement, pour en faire un esclave de la pénitentiaire tu vois. Une serviette, un torchon, y fallait que l'homme s'abaisse au maximum devant ces messieurs. Au moins... j'suis mort les armes à la main. Même si peut-être et ça j'n'en sais rien, j'n'ai pas eu l'temps d'm'en servir.
Parce que même si les policiers m'ont tué avant que j'ai eu le temps de mettre la main sur mon revolver, il faut te dire une chose, si j'avais eu l'temps de mettre la main dessus, j'm'en serais servi peut-être que j'ai mis la main dessus et que je m'en suis servi. Puisque cette cassette est prémonitoire, je n'peux pas quand même, envisager c'qui m'est arrivé ou c'qui m'arrivera.
La seule chose que j'sais c'est que si tu écoutes cette cassette, c'est que j'suis dans une... une cellule dont on ne s'évade pas. En fin de compte Pierrefite a trouvé le moyen, le seul moyen ; le seul endroit dont on ne s'évade pas, c'est un cercueil.
Et oui mon bébé. M'enfin mon, mon plus beau cimetière, hein, et c'est pas péjoratif ce que je vais dire... Ma plus belle cellule, c'est ton coeur et j'y suis bien. Et j'tiens à y rester aussi longtemps que tu penseras à moi et que tu m'aimeras. De toute façon mon p'tit chérie, tu l'sais ça. Aucun couple ne termine totalement sa vie ensemble ; et il y en a toujours un qui part avant l'autre. Et c'est ça qui est terrible quand on s'aime, c'est que la vraie souffrance c'est à ce moment là qu'on la ressent.
Alors pense à tout ce qui était à ???. Pense à lo???. Pense à l'amour que j't'ai donné. Autant physique que moral. A cette communion que nous avions quand nous faisions l'amour. Tu t'souviens. C'était réellement merveilleux. Merveilleux. C'était un plaisir total. Plaisir de l'âme, du corps, et puis de l'esprit, de tout ! Enfin, moi personnellement je sais que j'ai vécu ce que très peu d'hommes arrivent à vivre, c'est à dire un amour complet. Quant à la criminalité, bah j'avais fait un choix. Et face à la société, et bien, dès l'instant où j'suis mort, je n'suis plus coupable de rien puisque j'ai payé.
Et à la finale, j'veux rester un exemple, peut-être un mauvais exemple. Alors c'est ça qui est terrible. C'est que certain vont faire de moi un héros alors qu'on s'rend qu'il y'a pas d'héros dans la criminalité ; il n'y a qu'des hommes qui sont marginaux, qui n'acceptent pas les lois. Parce que les lois sont faites pour les riches et les forts. Hein. On en sait quelque-chose. Moi j'ai choisi d'être aisé par le crime en m'attaquant très... enfin presque toujours je pense aux nantis et aux riches. J'étais plus riche qu'eux. Parce que j'avais l'amour en plus. L'amour et puis je pense le courage. Le courage de mes opinions et puis de... de c'que j'avais décidé d'être.
Terrible mon ange. Écoute cette musique. Midnight. Écoute la.
(Le volume de la musique augmente.)
J'aimerais danser tu vois là avec toi. Ah mais d'où j'suis là j'peux pas chérie. Y'a trop de marches à descendre. Et tu vois, j'vais t'dire une chose, si j'demande une permission de sortie : impossible !
L'enfer ; j'aime bien toutes ces théories complètement stupides que la religion impose aux hommes. Y'a pas d'enfer, y'a pas d'paradis. Le paradis c'est sur Terre ou l'enfer c'est sur Terre quand on vit.Y'a pas d'autres endroits oui, y'a simplement une autre manière de vivre. L'esprit ne meurt pas de toute façon, la preuve, c'est qu'tu penses à moi.
(Changement de musique)
Écoute ça. (Le volume augmente.) Tu t'imagine, quand on étais en Sicile. Et qu'tu dansais. Ah là, tu étais sensuelle à mort chérie ! Qu'est-ce que c'était bon !
Rien qu'à écouter cette musique j't'imagine. Une vrai lionne.C'est vrai qu'tu étais belle. Tu l'savais aussi, hein ! Avec tes beaux yeux d'biche. T'avais une vraie p'tite gueule d'amour. Sauvage un peu. Yeah !
Ca donne pas envie d'danser ça, bébé, hein ? ! Ah, tu t'imagine toi tu... tu es dans mes bras.
Aïe, aïe. Poum, poum.
Hé, dis donc bébé ! Peut-être que tu écoutes cette cassette hé, et j'suis pas mort du tout. Hein ? ! Peut-être que, manque de chance pour moi, euh les policiers m'ont r'pris vivant. Et tu l'écoutes quand même. En t'disant "je l'préfère en prison et vivant". Bah, tu sais, sincèrement, si j'suis en prison, j'suis pas content hein. Parce que moi j'préférerais, j'préfère autre chose.
Tiens écoute encore, écoute cette musique.
(Musique qui continue).
Écoute ça jusqu'au bout, hein.
(...)
C'est vraie qu'tu étais disco, très disco. T'souviens en Angleterre ? ! Aïe !
(...)
Pompompom !
(...)
Dis, mon ange, j'espère quand même que tu vas danser maintenant, hein ? ! Il s'rait temps ! Ton veuvage va pas durer toute la vie quand même. Tu t'souviens quand j'te disais ça ? Tu piquais des drôles de colère. C'est moi qu'avait raison, tu sais, c'est pas parce qu'un homme meurt que la vie doit s'arrêter.
Premièrement t'as, tu as ta fille. Notre fille, pardon. Alors tu sais, tu as, enfin, t'as le p'tit chien hein. J'prononce pas son nom parce que l'enregistrement ça... en enregistrant pardon cette cassette, on sait jamais, si elle tombait entre de mauvaises mains avant, j'ai pas envie que son nom soit prononcé.
Pomlapompom. Yalalala pom pom pom ! (...)
---
Pour info, le film Midnight Express est sorti en 1978 Et cet extrait dure 14'45 (selon la version disponible sur youtube) et il a été retranscris en 1°30' (sans les retouches).
Parce que oui : Jacques Mesrine, ce criminel, était un homme !
4 commentaires
plouf - 19/04/2013 à 10:16:38
Merci pour ce boulot ! C'est vrai que c'est touchant...
OranginaRouge - 19/04/2013 à 11:16:52
@plouf :
De rien. C'est encore plus touchant à l'écouter, c'est d'ailleurs ce qui m'a marqué !
L'idée est que l'écrit est plus facile à reproduire, on a plus de chance que ce témoignage soit conservé sous cette forme...
Après quelque recherche, je n'ai pas l'impression que cette retranscription audio fut faite.
Je me pose la question de mettre cela sur Wikisource. Je ne sais pas encore si c'est possible.
paille - 19/04/2013 à 11:47:05
Touchant, c'est vrai....
Mais comment est-il devenu public ?
Perso si on me faisait un testament comme ça je le garderais pour moi.
Ahrrr, l'argent..... (mais du coup on doute de la sincérité de sa copine....)
Beau boulot en tout cas :)
OranginaRouge - 25/04/2013 à 10:41:20
@paille :
Je t'invite à jeter un oeil au site de Sylvie Jean-Jacquot : https://jeanjacquotsylvia.wordpress.com/ .
Elle cherche à être très transparente et c'est pour ça que j'imagine que la diffusion du testament vient d'elle (d'ailleurs de qui d'autre puisse cela venir ? ).
Après, si c'est pour des questions d'argent ou de notoriété, là... on peut faire beaucoup de supposions.
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